Salut Bône, ville de mon enfance, de ma jeunesse.


    Bône, tu es vraiment belle. On dit même que tu es coquette, tandis que les tiens disent des autres villes, de toutes les autres, qu'elles sont des ta...(1).


Ah, ce « parler bônois » ! gouailleur, grossier même s'il en est, celui de la Choumarelle ou celui des Cités, voire celui de la Place d'Armes, à peine plus évolué...

Mon Bône à moi, c'est bien autre chose...


     La rue Caraman... le 15 précisément, première évocation de quand j'étais enfant. Et l'école Victor Hugo, avec les trottoirs du Boulevard pour cour de récré, la vigilance des maîtres pour toute sécurité.


 Bône, c'est aussi le pont de la Tranchée (celui des suicidés) et les Caroubiers dont l'air pur seul est à même et de calmer les colères du petit frère et d'ouvrir l'appétit de la petite sœur.


 Le cours Bertagna, ses arcades, et... son « banc des six fesses »(2). Le lycée Saint-Augustin, lycée d'état comme son nom ne l'indique pas. Saint-Cloud (un autre Saint), sa plage de sable doré, son « rocher »(3) qui permet de mieux se situer parmi les « naufsneks »(4) avec ceux qui n'y arrivent pas ou parmi les grands mecs avec ceux qui vont au delà. Mais Saint-Cloud c'est aussi, l'épicerie Grech, haut lieu de regroupement familial.


Le stade municipal avec ses derbies toujours chauds, et hauts en couleurs : les bleus de l'ASB, les blancs de la JBAC et les rouges de l'USMB. Trois couleurs symboliques qui ne résisteront pas au vent de l'Histoire.


Les cimetières, le nôtre et celui des « Arabes », celui-là même qui domine la plage du Lever de l'Aurore et dont on a retenu pour la postérité ces mots :


« Si tu vois le cimetière de Bône, l'envie de mourir il te donne ».


 Bône, c'est la tchatche, la gouaille, les bosses de rigolade, la joie de vivre quoi avec, pour témoins, le soleil, la mer, la montagne tout près.


Bône, c'est tout ça et beaucoup plus encore : les miens, la famille, les amis, les copains et même les z'ôtres... La Ménadia enfin. C'est là, que s'écrira pour moi le mot FIN.


Car à Bône, c'est aussi la guerre sournoise, haineuse. D'intercommunautaire, elle devient intra-communautaire. Il faut tuer la lucidité au couteau pour les uns, au plastique pour les autres. C'est qu'ici, le sentiment même de la perception du devenir, peut aux yeux de ceux qui ne veulent plus rien voir, devenir criminel. Alors, la folie destructrice achève la basse besogne. Le souffle d'une bombe brune précipite les choses. Il faut partir Norbert, pour un voyage-chagrin dont le non-retour est seul certain. Direction le Nord et vole vers cet horizon au delà de la mer bleue. De là-haut, regarde encore une fois Saint-Augustin qui semble te saluer depuis sa colline... et dis adieu à Bône.


[...]


Plus de trente ans ont passé... quand j'ai voulu revoir Bône. J'ai retrouvé quelques amis, très peu, toujours aussi fidèles, alors que tout a été fait pour nous séparer à jamais.


Et puis aussi j'ai vu...


J'ai vu que maintenant Là-bas,


                                                      C'est... Annaba.                                           


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B comme Bône